Dauphiné Libéré du 20 avril 2008
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Dépôt de gerbe par les membres du Comité d'Entente des Grands Invalides de Guerre, en prélude à leur Assemblée Générale région Ain, Isère et deux Savoie qui se tient à ANNECY.
C'était le dernier d'une immense cohorte, celle des 8,5 millions de soldats français de la Grande guerre : Lazare Ponticelli, dernier poilu survivant de l'un des conflits les plus meurtriers de l'Histoire, s'est éteint mercredi à l'âge de 110 ans au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).
Lazare Ponticelli, doyen des Français et dernier légionnaire de la Grande guerre, est décédé à 12h45 au domicile de sa fille, sept semaines après Louis de Cazenave, mort le 20 janvier, également à 110 ans.
Dans un communiqué, le président Nicolas Sarkozy a "exprimé la profonde émotion et l'infinie tristesse de l'ensemble de la Nation".
Un "hommage national" sera rendu lundi matin à Lazare Ponticelli et à l'ensemble de ses camarades de combat lors d'une messe aux Invalides, en présence de M. Sarkozy et de légionnaires et de soldats en uniforme de poilus, a annoncé le secrétaire d'Etat aux anciens combattants Alain Marleix.
Le secrétaire d'Etat s'est incliné mercredi devant le corps de Lazare Ponticelli, transféré dans l'après-midi dans le funérarium du CHU du Kremlin-Bicêtre.
Longtemps réticent, il avait consenti peu de temps avant de s'éteindre qu'un tel hommage soit organisé par l'Etat, à la condition qu'il englobe expressément l'ensemble de ses camarades de combat.
Il ne resterait désormais dans le monde que huit survivants de la Première guerre mondiale ayant réellement combattu, selon le recensement effectué par Frédéric Mathieu, concepteur du site spécialisé Derdesders, et les bureaux de l'AFP.
Avec Lazare Ponticelli disparaît le dernier combattant français de la guerre de 1914-1918, qui fit dix millions de morts , dont 1,4 million de soldats français: paysans, employés, instituteurs, ouvriers, bretons ou auvergnats, tirailleurs marocains ou sénégalais, tués sur les coteaux de la Marne, dans les tranchées de Verdun ou du Chemin des Dames.
Avec 1,4 million de soldats "morts pour la France", la France a connu une saignée sans précédent : 900 morts en moyenne par jour durant les 51 mois de guerre, du 1er août 1914 au 11 novembre 1918, avec 20.000 tués pour la seule journée du 22 août 1914 en Lorraine.
1,4 million de morts et aussi 3 millions de blessés, dont 1 million d'invalides, amputés ou gazés et 15.000 "Gueules cassées", ces soldats défigurés qui vont rappeler durant des années ce conflit aux Français.
1,4 million de morts et aussi des centaines de milliers de veuves et d'orphelins. Des centaines de milliers de femmes qui remplacent les hommes, partis au front, dans les usines d'armement, les écoles et les hôpitaux.
1,4 million de morts et presque autant de noms inscrits sur les monuments aux morts des 36.000 communes de France, dont une quinzaine seulement n'érigèrent pas de monument car aucun soldat du village n'avait été tué. Mais aussi les mots "Tu ne tueras point" inscrits sur le monument aux morts d'Avion (Pas-de-Calais), ou "Maudite soit la guerre" sur celui de Gentioux (Creuse).
1,4 million de morts, dont des milliers de disparus ou jamais identifiés dans la boue de la Marne ou de Verdun, symbolisés par le Soldat Inconnu qui repose sous la voûte de l'Arc de Triomphe.
1,4 million de morts, la grande majorité dans la "zone rouge" allant de la Mer du Nord à la Suisse avec ces noms gravés dans l'Histoire de France: la bataille de la Marne et ses taxis (septembre 1914); le Bois des Caures, les forts de Douaumont et de Vaux, la "Voie Sacrée" à Verdun (février-décembre 1916); le Chemin des Dames (printemps 1917) et l'échec sanglant de l'offensive Nivelle suivis de mutineries.
1,4 million de morts et les 675 soldats fusillés sous l'uniforme français pour désertion, mutinerie, refus d'obéissance, ou crimes de droit commun, dont 49 au printemps 1917 au Chemin des Dames.
1,4 million de morts, dont le soldat Pierre-Auguste Trébuchon, tué sur les bords de la Meuse le 11 novembre 1918 à 10h50, dix minutes avant la sonnerie du cessez-le-feu à la onzième heure du onzième jour du onzième mois de 1918.
"Plus jamais ça", dirent alors certains poilus. D'autres affirmèrent que cette guerre serait "la der des ders"...