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La question prioritaire de constitutionnalité

LES CHIFFRES :

  • 1er mars 2010 : c’est la date depuis laquelle un justiciable peut poser une question prioritaire de constitutionnalité.
  • 6 mois : c’est le délai maximum qui a été fixé pour procéder au contrôle de la constitutionnalité d’une loi.

L’ESSENTIEL :

  • En 2007, Nicolas SARKOZY s’était engagé devant les Français à mettre en place une République exemplaire et une démocratie irréprochable. Issue de la réforme de notre Constitution en 2008, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), entrée en vigueur le 1er mars, en est un des piliers.
  • Tous les justiciables bénéficient aujourd’hui d’un nouveau droit : ils peuvent demander l’abrogation d’une loi si elle est contraire aux droits et libertés consacrés par la Constitution.
  • Pour éviter que la QPC soit soulevée sans motifs sérieux, une procédure de filtrages successifs a été mise en place. Et pour empêcher que ce nouveau droit ne soit détourné pour retarder les procès, un délai maximum de 6 mois a été fixé pour passer toutes les étapes.
  • L’entrée en vigueur cette réforme est un progrès majeur pour la garantie des droits des Français.

UN NOUVEAU DROIT ?

  • Jusqu’ici, le contrôle de constitutionnalité des lois n’intervenait qu’avant la promulgation d’une loi et à la demande des présidents des Assemblées, du Premier ministre, du Président de la République ou, depuis 1974, de 60 députés ou 60 sénateurs. Le jeu politique pouvait conduire à ce qu’une loi ne soit jamais examinée par le juge constitutionnel alors même qu’elle pouvait priver le citoyen de la garantie des droits reconnus par la Constitution. Il y avait également un vrai paradoxe : les justiciables pouvaient invoquer le droit international ou européen devant les juridictions pour écarter l’application d’une loi, mais pas la Constitution de notre pays !
  • C’est pourquoi, dans le cadre de la réforme de notre Constitution en 2008, Nicolas SARKOZY a souhaité créer un nouveau droit. Depuis le 1er mars, il s’est concrétisé : désormais tout justiciable peut poser une question prioritaire de constitutionnalité.
  • Concrètement, la QPC offre la possibilité à tout citoyen de demander l’abrogation d’une loi si elle est contraire aux droits et libertés consacrés par la Constitution. L’entrée en vigueur de cette réforme est un progrès majeur pour la garantie des droits, dans la droite ligne de la République exemplaire souhaitée par Nicolas SARKOZY.

QUELLE EST LA PROCÉDURE ?

  • La loi organique du 10 décembre 2009 a mis en place une procédure efficace :
    • Pour que tous les justiciables puissent invoquer ce nouveau droit, la QPC pourra être soulevée au cours de toute instance devant toute juridiction relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
    • Pour limiter les recours abusifs ou sans fondements à ce nouveau droit, une procédure de filtrages a été mise en place. La juridiction saisie d’une QPC devra procéder à un premier examen, avant de renvoyer, le plus rapidement possible, la QPC à la juridiction suprême dont elle relève. Celle-ci devra se prononcer ou saisir le Conseil constitutionnel si la question est nouvelle ou sérieuse.
    • Jusqu’à la décision du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel, le juge saisi de la QPC devra surseoir à statuer sur le fond sauf en cas d’urgence ou si l’instance conduit au maintien en détention d’une personne. En revanche, l’instruction se poursuivra.
    • La QPC ne pourra pas être posée devant une cour d’assises. Elle pourra l’être soit avant, lors de la phase d'instruction, soit après, lors d’un appel ou d'un pourvoi en cassation.

N’Y A-T-IL PAS UN RISQUE DE RETARDER LES DÉCISIONS DE JUSTICE ?

  • Parce qu’il faut à tout prix empêcher que ce nouveau droit ne serve à retarder les décisions de justice, la loi organique a prévu une procédure de contrôle claire et rapide.
  • Une fois la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le juge qui en est saisi, elle fixe un délai maximum de 6 mois pour passer toutes les étapes : 3 mois sont laissés aux cours suprêmes pour renvoyer ou non la question au Conseil constitutionnel et, si le juge constitutionnel est saisi, il a aussi 3 mois pour se prononcer sur la QPC.

Commentaires

  • Merci pour ce post. Quelques questions (merci d’avance pour vos réponses) :

    a) Qui pourra utiliser l’exception d’inconstitutionnalité ?

    « Article 61-1. Entrée en vigueur dans les conditi… Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »

    A de nombreuses reprises, le Gouvernement a expliqué que l’objectif de cette exception d’inconstitutionnalité était de donner un « droit nouveau » aux « citoyens ». La garde des sceaux d’alors disait, quant à elle, sa volonté de donner aux « Français » la possibilité de saisir, a priori ou a posteriori le Conseil Constitutionnel.

    Dès lors, cette « exception d’inconstitutionnalité » sera t elle réservée aux citoyens Français (qui vivent en France ou non) – comme le droit de vote et d’autres droits civils – ou bien concerne t elle la population française en général ? Autrement dit, cette exception d’inconstitutionnalité, est elle liée à l’identité nationale ou bien à un territoire (la France : qui ne se limite pas à l’hexagone ou à la France métropolitaine) ?

    b) Des citoyens égaux en droits ?

    Le projet de loi organise le recours via trois étages : la juridiction ordinaire, la juridiction suprême, puis le juge constitutionnel, autrement dit le CC. Pour satisfaire aux exigences du projet de loi organique, il va de soi qu’un citoyen lambda ne pourra pas, seul, défendre sa position. (Sauf s’il est spécialisé en droit constitutionnel) S’il faut, en plus, passer par trois juridictions, qui toutes demanderont un délai pour se prononcer, n’est il pas évident que cette exception d’inconstitutionnalité, telle qu’elle est permise à l’heure actuelle, sera non seulement coûteuse pour le justiciable, mais plus encore, inégalitaire, puisque c’est en fonction de ses capacités financières qu’un citoyen pourra faire respecter des droits et libertés qui lui sont garanties par la norme suprême ?

    Par comparaison, sous l’Ancien Régime – qui avait beaucoup de défauts, mais aussi beaucoup de points positifs, que la République a d’ailleurs conservé – les « villes », les « corporations » et les « nobles » n’avaient qu’à passer par le « Parlement » (organe judiciaire) pour faire respecter les privilèges reconnus et/ou octroyés par le roi. Lequel roi ne pouvait, par ailleurs, pas tout se permettre. Le traité de Troyes (1420) était ainsi juridiquement non valide, au sens où Charles VI, conscient ou non de ses actes, n’était pas en capacité de céder le trône de France à un étranger, pas plus qu’il n’était en droit de déshériter le dauphin de France.

  • c) Pensez vous que le “filtre” durera longtemps ?

    Tous les citoyens peuvent demander à n’importe quel juge de vérifier la conventionnalité des lois. En outre, le contenu de ce que l’on pourrait appeler le bloc de conventionnalité est, en ce qui concerne les traités portant sur des droits et libertés, très similaire au bloc de constitutionnalité. Pourquoi, puisque ce système marche très bien, ne pas le dupliquer pour le contrôle de constitutionnalité ? Si les juges sont considérés compétents pour traiter des matières européennes ou internationales, pourquoi seraient ils inaptes à faire respecter la Loi Suprême du pays ?

    d) Est il possible - sinon prévu ? - qu’un citoyen puisse “réquisionner” des avocats spécialisés – issus du CC, du Conseil d’État ou de la Cour de Cassation – ce qui limiterait aussi bien le coût d’un procès (proximité avec les Cours suprêmes oblige) que les procédures « non sérieuses » ou « dilatoires » (l’avocat étant un spécialiste il n’aura aucun mal à démontrer à son client qu’il n’a aucun intérêt à intenter un procès) ?

    e) Pourquoi un filtre ?

    Le choix d’instaurer un filtre me paraît être très préjudiciable et contraire à la volonté du constituant secondaire qu’est le Parlement de permettre la ré appropriation de la Constitution par les citoyens. Il n’y a rien qui puisse en légitimer l’usage. Cette « ceinture de chasteté » semble être la conséquence d’une peur sans fondement, de la part du Parlement, à l’égard du juge, et peut être même du Peuple Français, qu’on a parfois (sinon toujours) trop tendance à percevoir comme un enfant alors que les citoyens Français sont des adultes, responsables, qui pensent par eux mêmes.

    Certains expliquent que le CC risque d’être submergé par les plaintes si un contrôle direct est permis. Or…On voit bien que la CJCE ou la CEDH, qui sont, elles, directement saisissables, ne souffrent en aucun cas d’une croissance exponentielle des dépôts de plaintes pour violation des droits et libertés conférés par les traités européens, le droit communautaire dérivé (directives, règlements) ou la Convention Européenne des Droits de l’Homme ! Les juges ordinaires, en France, ne croulent pas, non plus, sous les dossiers de plaintes, en dépit du fait que 80% du droit en France (si l’on en croit le journaliste M. QUATREMER) sont d’inspiration européenne. Et si la CJCE accepte de recevoir des dossiers venus de 27 pays, on peut penser que le CC soit apte à traiter ceux qui viendraient d’un seul pays, grand certes, démographiquement important, mais pas plus procédurier que le reste de l’Europe ou le monde (et la Cour Constitutionnelle américaine ne souffre, elle non plus, alors que les Américains sont champions en matière de procès en tout genre, et sont nettement supérieurs en nombre (300 millions d’habitants pour 65 millions en France))

    Certains craignent un « Gouvernement des juges » et brandissent la primauté de la loi. Mais qu’est ce que la Constitution, sinon la Loi Fondamentale du pays ?

    Ce ne sont pas les juges qui écrivent les Constitutions, ce sont les pouvoirs constitués. Et ce ne sont pas les juges, ou même l’Exécutif, qui « limitent » les modalités de la loi, mais la Déclaration de 1789 – puisqu’elle définie la loi comme ne devant que « défendre que (contre) ce qui est nuisible à la Société » – écrite par des…Parlementaires, pères de la France de Nouveau Régime.

    f) La CJCE pourrait elle juger le Conseil Constitutionnel (CC) ?

    Il est dit, dans le traité de Lisbonne (Charte) que tous les citoyens ont le droit à un procès équitable. Et droit, pareillement, à un tribunal impartial. Selon certains juristes, le CC ne répondrait pas à cette définition…Et comme je vois mal le CC se flinguer de lui même, en reconnaissant son manque d’impartialité, ou de connaissances juridiques pour certains…Les citoyens pourraient ils en s’appuyant sur la Charte, mais aussi la DDHC de 1789, porter plainte auprès de la CJCE ou auprès de la CEDH pour violation du traité de Lisbonne ou violation d’une liberté fondamentale reconnue aux citoyens européens ? Voir même, si l’on considère que la DDHC est un texte qui concerne des droits propres à l’Homme…Reconnue à l’Humanité ?

    g) Pourquoi interdire que soit relevé d’office le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ?

    A l’heure actuelle, le juge administratif, ne soulève déjà pas d’office le moyen tiré de l’inconventionnalité de la loi (CE Section 11 janvier 1991 SA Morgane : Rec. CE, p. 9) mais il n’en va pas même pour le juge judiciaire. Ce dernier, en effet, relève d’office la violation des droits de l’homme garantis par les dispositions conventionnelles, notamment par la CEDH (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 10 mai 2006, pourvoi n° 05-15707). Pourquoi cette différence de traitement entre question de constitutionnalité et question de conventionnalité ?

    N’est ce pas paradoxal avec la volonté du Législateur, et du Constituant dérivé (le Parlement) de permettre la ré appropriation de la Constitution par le justiciable ? Comment peut on d’un coté redonner la primauté à la Loi Fondamentale sur le papier, et d’un autre coté abaisser dans la pratique la portée de la Constitution, qui dès lors apparaît comme moins précieuse que les traités européens ou internationaux, bien que sur le plan juridique elle soit, et demeure, la norme suprême ?

    Si le juge doit analyser, en premier lieu, la constitutionnalité d’une loi, avant de vérifier la conformité de cette même loi aux traités, notamment européens…N’est il pas normal, et de bon sens, de lui permettre – et cela pour tous les juges : judiciaires, de référé, mais aussi administratifs – de soulever d’office la contrariété à la loi fondamentale ? La loi organique doit être cohérente avec elle même : comment veut on permettre une ré appropriation de la Constitution par le justiciable, si celui ci n’y trouve pas son compte ? S’il se sent, à raison, moins protégé par la Loi Fondamentale, que par le droit communautaire ? Ne va t il pas de soi qu’une violation de droits et libertés garantis par la norme suprême constitue un moyen suffisamment impérieux qui nécessite le devoir de faire l’objet d’un moyen soulevé d’office ?

    Là encore, pensez vous qu’il soit possible de poser la question du maintien de cette interdiction…Alors que visiblement la “qualité” de la Constitution et la violation dont elle peut être l’objet, suffit à rendre légitime un tel système ?

    h) Quelle sera la portée de la “décision” du juge constitutionnel ?

    Le projet de loi dit que (article 62) « une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. »

    Très bien, mais cette nullité est elle relative ou absolue ? Autrement dit, la loi est elle « en sursis » durant le temps d’examen par le CC ou toujours valide pendant ce temps là ? (Il faut trois mois pour que le CC se prononce)

    Je prends un ex simple : la loi GAYSSOT. Imaginons qu’un citoyen saisisse le CC pour invalider cette loi, au motif qu’elle est inconstitutionnelle. Pendant les trois mois d’examen par le CC, plusieurs affaires ont lieu, mettant en cause la violation de cette fameuse loi dite GAYSSOT. Qu’est censé faire le juge ? Appliquer la loi GAYSSOT ? (Tout en sachant que les partis pourront faire appel après une éventuelle censure par le CC) Attendre la « décision » du CC ? Anticiper la « décision » du CC ?

  • i) Quel contrôle de constitutionnalité pour le droit dérivé européen (directives, règlements, etc.) ?

    Il y a une grande absente dans la loi organique : c’est l’Union Européenne. Ou plutôt le droit communautaire, particulièrement le droit communautaire dérivé.

    Le Législateur donne la possibilité aux citoyens de contester la validité d’une loi, mais il ne précise pas le sort des lois de transpositions de directives européennes. Or…On sait que (dixit M. BARNIER lors des européennes) 80% de notre législation est d’inspiration européenne. Autant dire que si l’exception d’inconstitutionnalité a pour but de permettre la ré appropriation de la Constitution par le justiciable, encore faut il que la Constitution puisse servir à ce dernier, lorsque le droit dérivé est contraire à celle ci.

    Pour l’heure, la Cour de Cassation et le Conseil d’État contrôle le respect d’une loi à une directive. De même, le CC s’est déclaré compétent pour vérifier le respect a priori d’une loi à une directive. Mais qui est chargé, de contrôler la constitutionnalité d’une directive envers la Constitution ? Personne. Il y a donc là une insécurité juridique patente, puisque le Législateur ne permet pas - ou plutôt omet de préciser l’autorisation (tout ce qui est interdit par la loi ne saurait être empêché dès lors ? - aux citoyens de contester le droit dérivé communautaire, voire même le droit international, quand celui ci porte atteinte aux droits et libertés fondamentales garantis par la Constitution, et plus particulièrement aux Droits INALIENABLES et NATURELS de l’Homme ET du Citoyen, consacrés par la Déclaration de 1789.

    Il ne s’agit pas d’opérer une concurrence entre droit communautaire et droit national. Seulement d’encadrer sérieusement les relations de la France avec ses partenaires, qu’ils soient européens ou internationaux.

    Chacun a pu constater la part de plus en plus prégnante de la CJCE ou de la CEDH sur l’ordre national. Si le Législateur veut éviter un « Gouvernement des juges » il convient donc qu’il donne à la Loi Fondamentale, dans la pratique, la place qu’il lui accorde sur le plan juridique.

    Chacun a pu constater aussi la nécessité de tenir compte des inquiétudes des citoyens quant à leur « identité nationale ». Fermer les yeux encore longtemps reviendrait à condamner, in fine, la construction européenne. On ne peut pas construire l’Union Européenne sans le consentement des populations. C’est d’autant plus important que les « européens » sont des citoyens, et non pas des sujets. Les maintenir hors du jeu ne pourra qu’accroitre l’animosité des citoyens envers la construction européenne.

    L’arrêt de la Cour Constitutionnelle allemande, au sujet du traité de Lisbonne, et les remarques faites par le CC y incitent, aussi, fortement. Comme l’a jugé le CC dans ses décisions de l’été 2004, et plus précisément dans sa décision bioéthique (qui représente l’état le plus achevé de cette jurisprudence), la primauté du droit de l’Union reste inopposable, dans l’ordre juridique interne, aux dispositions de la Constitution française inhérentes à ses structures fondamentales.

    Si le CC tente d’atténuer l’effet de la primauté reconnu au droit de l’UE – bien qu’il avoue que le traité de Lisbonne comme le traité constitutionnel présenté à référendum en 2005 ouvre la porte à la primauté du droit de l’Union au neuf dixième – la Cour Constitutionnelle allemande, elle, évacue toute diplomatie pour un constat sans langue de bois.

    Selon la Cour Constitutionnelle allemande, les outils de ratification votés par les deux Chambres allemandes sur l’élargissement et le renforcement de leurs pouvoirs dans les affaires concernant l’Union Européenne constituent une violation de l’Article 38, § 1 en relation avec l’Art. 23, § 1 de la Loi Fondamentale (Constitution) avec le motif que l’étendue et la forme des droits de participation des deux Chambres allemandes ne sont pas suffisamment clarifiés et développés. Selon la Chambre Constitutionnelle les droits de co-décision des deux Chambres sont insuffisants et “l’Union Européenne ne peut être réalisée sans qu’il ne subsiste un espace suffisant dans les Pays membres qui permette l’organisation politique des relations économiques, culturelles et sociales. Ceci concerne en particulier les domaines qui influencent la vie des citoyens, mais aussi les décisions politiques qui dépendent étroitement des situations antérieures et qui ont fait l’objet de débats et de décisions dans l’espace public des partis politiques et parlementaire”.

    Selon la Chambre Constitutionnelle allemande, en raison d’un “déficit de démocratie structurel” au niveau de l’Union européenne, les droits de co-décision du Parlement allemand doivent être clairement inscrits dans une loi : pour “garantir l’efficacité du droit de vote” des citoyens allemands et “veiller” à ce que l’Union européenne “n’outrepasse pas les compétences qui lui ont été octroyées”.

    Pour la Cour Constitutionnelle : “Le Traité n’est pas assez participatif. Or nous ne pouvons bâtir l’Europe que de manière démocratique. L’Union Européenne ne peut pas être seulement dirigée par des bureaucrates et des gouvernements”.

    Est il admissible que l’on tolère le « déficit de démocratie structurel » de l’Union Européenne, mis en valeur par les juges d’Allemagne, qui sont tous des juristes reconnus et sérieux ? Quel républicain, quel démocrate, peut se satisfaire d’une telle solution ?

    En raison de l’importance de ce droit dérivé sur notre législation, qui fait partie du “droit interne” de la France (c’est le CC qui le dit) sera t il dès lors possible que les citoyens saisissent le CC pour demander soit l’annulation d’une directive ou règlement portant atteinte à la Constitution ? Ou tout au moins son encadrement ?

    En effet, si les juridictions nationales, constitutionnelles incluses, ne sont pas compétentes pour déclarer invalide un acte de droit communautaire dérivé, comme une directive…Les juridictions nationales et constitutionnelles, ne sont elles pas, en revanche, compétentes pour déclarer un acte de droit communautaire invalide quand celui ci n’est plus dans le cadre prescrit par les traités ? Ou porte atteinte aux principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France, voire à une tradition constitutionnelle propre à la France (républicaine) ?

    Et ne le sont elles pas aussi pour limiter la portée d’une directive ou d’un règlement ? Ou tout au contraire, pour amplifier une directive ou un règlement, transmis “au minimum syndical” par le Gouvernement ?

    Trois ex où un recours - s’il était possible - me sembleraient de très grandes utilités (mais avant de me lancer, il serait bien de savoir si la chose est déjà juridiquement possible) :

    –lorsqu’une directive porte atteinte aux droits sociaux des citoyens. L’ex typique, c’est la liberté syndicale qui est considérée comme une « entrave » à à la liberté d’établissement des entreprises et de circulation des travailleurs. La CJCE brandit le traité de Rome, et le CC lui affiche le préambule de 46, « inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ». Mais il y a d’autres situations du même genre. Par ex, le licenciement est considéré comme juste dans toutes situations par l’Union Européenne, alors que le droit national protège le salarié lorsqu’un licenciement est considéré « abusif ». Là encore, la CJCE brandit les traités, et le CC la toute puissance de la Loi. De la même façon, la fameuse directive sur les services – qui a tant fait polémique en France, mais pas seulement – s’oppose, en certains points, à des droits sociaux reconnus aux Français, via le préambule de 46.

    Si un citoyen pouvait saisir le CC en la matière, il pourrait faire reconnaître le caractère social de la République ou bien demander au CC de faire primer le préambule de 46 sur la directive, puisque ce préambule faisant partie du « bloc de constitutionnalité » est « inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ». De cette manière, les droits sociaux qui lui sont reconnus par le préambule de 46, primeraient sur les directives européennes. Le Parlement national aurait, ainsi, beaucoup plus de marges, lors de l’harmonisation du droit national au droit européen. La loi du marché peut parfois s’avérer nuisible à la Société.

    Etant donné que l’UE a du plomb en matière sociale - Le traité de Lisbonne ne donne pas de compétences sociales à l’UE, et les engagements du Conseil Européen à l’égard de l’Irlande, prive l’UE de telles compétences sur le moyen, long terme, et je ne parle même pas de BARROSO - les citoyens pourraient revendiquer “la République sociale” pour dénoncer l’inconstitutionnalité de certaines directives. Cela pourrait, d’ailleurs, au final, favoriser l’émergence de ladite Europe sociale, qu’on fait régulièrement miroiter aux citoyens, mais qui reste plus un mirage qu’une réalité.

    –lorsqu’une directive porte atteinte à une valeur de la France. L’ex typique, c’est la laïcité. Mais cela peut être, tout aussi bien, l’interprétation française d’une donnée : par ex la discrimination. En droit français, certaines discriminations sont tolérées, sinon légalisées. En droit communautaire, interdire, par ex, l’accès de certains postes publics aux étrangers ou européens non Français, est limite considéré comme une loi salique réactualisée. De même, le mariage est « monopolisé » par les couples hétérosexuels en droit national – le mariage est l’union d’un homme et d’une femme – alors que la directive visant à lutter contre les discriminations, tendrait, elle, à légaliser le « mariage gay ». (Le monopole du mariage pouvant être considéré comme discriminatoire) Idem pour l’adoption des enfants par ces mêmes couples du même sexe.

    Dans le même genre d’idée, le traité de Lisbonne fait référence à un dialogue avec les « églises ». Comment la France pourrait elle, dès lors, interdire, « l’église » de la scientologie sur son territoire ?Seul le principe de la séparation de l’État avec tout pouvoir religieux – appelé la laïcité –peut s’y opposer. Encore faut il reconnaître à la laïcité le statut de principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, voire même en faire une tradition constitutionnelle de la France. Sans quoi, la primauté du droit communautaire sur la Constitution étant établie – je rappelle que la France n’a pas jugé bon d’assortir le traité d’un protocole à ce sujet – on abaissera un principe dont l’inhérence à l’identité nationale est pourtant reconnue !

    Une telle violation d’une valeur républicaine peut, aussi, avoir des conséquences en matière environnementale, économique, sociale, voire même sur le plan juridique, au sens où elle porte atteinte à des principes d’une importance cruciale, tel que le principe constitutionnel d’égalité.

    Dans sa jurisprudence du 10 juin 2004, à travers laquelle le CC renonçait à vérifier la constitutionnalité des lois de transposition, on pourrait croire à la suprématie du droit européen sur la notre suprême.

    Pourtant, deux choses me laissent croire qu’un recours pour violation - ou excès - d’une directive ou d’un règlement, pourrait se justifier.

    En premier lieu, la jurisprudence citée. Dans celle ci, le CC rappelle que la renonciation du controle ne concernait pas les directives portant atteintes aux « principes inhérent à l’identité constitutionnelle » de la France ! Y a t il, sincèrement, plus inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, que le principe constitutionnel d’égalité consacré par la Déclaration de 1789 ?

    Ensuite, il me semble qu’il est interdit au CC de modifier la hiérarchie des normes d’une Société. D’autant que la jurisprudence du CC est, en quelque sorte, obsolète, au sens où elle étudiait le TCE, qui instaurait un Etat fédéral, via une “Constitution pour l’Europe”. Les Français étant opposés à une telle vue, et donc réaffirmant par leur “non” la prégnance de la Constitution sur l’ordre interne du pays, il me semble que les citoyens seraient en droit de recourir contre le droit européen lorsqu’il viole la Constitution de la France, du moins ce que le CC reconnait comme étant des éléments propres à l’identité constitutionnelle de la France.

    Enfin, la DDHC de 1789 qui dans son article 16 précise bien que dès lors qu’il y a violation de la DDHC de 1789…La France n’a plus de Constitution. Et à preuve du contraire…Sans Constitution, il n’y a plus de traités non plus. Ce qui tend, a priori, à laisser entendre que les traités ne sauraient violer la DDHC de 1789, et donc le droit dérivé non plus.

    Il n’est pas question, soyons sérieux, de jouer le jeu des « souverainistes » en faisant primer, en toute circonstance, la Constitution sur le droit communautaire ou/et international. Cela serait stupide, et réduirait à néant les efforts d’harmonisation réalisés au cours du temps, entre la France et ses partenaires.

    En revanche, le CC, je pense, pourrait définir un certain nombre de libertés et droits constitutionnels qui ne pourront, en aucun cas, être supplantés par quelque droit que ce soit.

    On pourrait ainsi songer aux traditions constitutionnelles de la France, en matière de laïcité, d’égalité des droits, ou de caractère social de la République. A cela, on pourrait rajouter – c’est une évidence mais mieux vaut l’écrire – la primauté de la Déclaration de 1789 sur tout droit européen comme international. Pour une raison simple : son caractère inaliénable. Rappel : toute violation de la Déclaration de 1789 entraîne la fin de la Constitution. Il en résulte que les textes qui dépendent de la Constitution – le droit primaire européen ou international (traités) et le droit dérivé européen ou international (directives, règlements) – ne peuvent être considérés comme valides que s’ils ne violent pas la Déclaration de 1789, d’autant qu’il s’agit, clairement, là encore, d’une tradition constitutionnelle de la France, et cela de manière incontestable.

    En dernier lieu, le Législateur pourrait considérer que le droit communautaire dérivé, peut primer sur la Constitution, s’il offre une protection équivalente ou supérieure à celle offerte par les juges français. Dans le cas contraire, c’est la Constitution qui devrait primer.

    –Lorsque le droit dérivé est hors du champ des traités. Aujourd’hui, aucun pouvoir constitué – à commencer par le CC – ne contrôle la légalité des « arrêts » de la CJCE. Pourtant, la France – comme ses homologues du reste – s’engagent à respecter des traités…Mais dans un cadre bien précis. Lequel cadre est régulièrement – et sans qu’aucune réaction étatique n’ait lieu, hormis les petites frappes du CC – bafoué par la CJCE.

    En effet, pour assurer une pleine effectivité du droit communautaire, la CJCE a été amenée à constitutionnaliser le traité en posant les principes de primauté et d’effet qui n’y étaient pas prévu. Par son approche téléologique du droit et sa volonté de remédier à l’imprécision du traité, la CJCE a, par ailleurs, été amenée à accomplir une fonction normative qui outrepasse son rôle.

    Compréhensible – les difficultés premières de l’intégration européenne l’ont incité à venir sur le terrain normatif – cette intervention abusive, n’en est pour pas pour autant légitime, ni légale. (Un peu comme on peut « comprendre » les actes destructeurs de certains salariés, à l’égard de leur entreprise. Cette « compréhension » n’empêche, cependant nullement le juge de condamner le salarié destructeur, puisque celui ci viole certains lois républicaines, par son comportement)

    S’il est normal – c’est une de ses missions – que la CJCE fasse tout son possible pour faire respecter le droit communautaire, voire même à certaines occasions des traités internationaux validés par les instances de l’Union Européenne, il est en revanche anormal que l’on admette que la CJCE ne s’en tienne pas au cadre des traités, pour réaliser cette mission. (Comme le CC se limite à exercer les prérogatives que lui donne la Constitution.)

    C’est d’autant plus inadmissible que Le droit de l’Union européenne est fait par les juges nommés par les Gouvernements, sans que les citoyens ne les connaissent. Sans contrôle parlementaire.

    A l’exemple du « Parlement de 1788 » qui usurpait les pouvoirs des États Généraux – seule cette haute assemblée était en capacité d’admettre de nouveaux impôts, ou de valider un traité signé par le monarque – la CJCE se prend pour une Cour Souveraine qu’elle n’est pas, pour une raison simple : il n’y a pas de Peuple Européen. Contrairement à la Cour de Cassation, ou le juge ordinaire, elle ne peut, dès lors, pas s’exprimer « au nom du Peuple… ».

    La CJCE doit se contenter de faire respecter le droit communautaire, primaire comme dérivé. Et commencer par le respecter elle même. (Quelle crédibilité pourra t elle avoir, sinon, sur le moyen, long terme ?) L’Union Européenne acquière des compétences, via les traités européens. Il n’est en aucun cas raisonnable ni normal, que la CJCE outrepasse ses pouvoirs, en faisant jurisprudence sur des matières qui ne concerne pas ladite Union Européenne. Ni que, par ce biais, elle procède à des transferts de compétences nationales vers l’UE, sans que le constituant n’ait eu son mot à dire.

    Quand la CJCE rédige l’arrêt Costa, elle en dans son élément. Il s’agit d’une affaire mettant en cause le droit à la concurrence, et cette matière est compétence exclusive de l’Union. Mais d’où en déduit elle que dès lors le droit communautaire prime sur le droit national, y compris constitutionnel, en toute situation ? Si la jurisprudence est bonne, l’interprétation qu’elle en fait, est, elle, parfaitement contestable.

    En effet, la CJCE n’a pas la compétence pour interpréter les Traités au point de les amender. Selon la Cour Allemande, en l’absence d’un Peuple Européen constitué en «démos», le droit communautaire ne peut revendiquer la primauté que pour les compétences que les États ont explicitement cédées aux Communautés, au moyen des Traités.

    Autrement dit, ce sont les peuples des États-Membres, exprimés par les organes nationaux – et plus particulièrement les parlements nationaux – qui constituent la source de légitimation du droit communautaire. Par conséquent, il n’y pas de compétence générale (Kompetenz Kompetenz) de l’Union Européenne et les règles constitutionnelles sont toujours la norme suprême de l’ordre juridique interne, au fur et à mesure que les États restent seuls souverains pour décider la révision des Traités.

    S’il est incontestable que le droit communautaire doit primer sur le droit national – la loi (en toute circonstance), la Constitution (dès lors que le droit dérivé européen ne porte pas atteinte à des principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France) – quand l’Union Européenne dispose de « compétences exclusives », il n’en va pas de même, quand les compétences sont « partagées » ou « nationales ».

    Au nom de qui, ou de quoi, la CJCE pourrait elle, par ex, imposer à l’Irlande le « droit à l’avortement » ? Ou encore à la France le respect de l’église de scientologie ? Ou le « mariage gay » ? Pour quelle raison le préambule de 46 serait il détrôné par le droit dérivé européen ? Le social, la famille, ne sont ils pas des compétences « nationales » ?

    On pourrait en dire autant sur son interprétation du traité de Rome, en matière de monopole d’État. Je doute sincèrement que le Général De Gaulle partageait l’idée de la CJCE ! Bien au contraire, je suppose qu’il n’aurait jamais accepté la validation du traité de Rome, s’il avait su que la CJCE allait, un jour, interpréter au désavantage des services publics, le droit européen ! Faisant ainsi primer la « concurrence libre et non faussée » sur le « service public » !

    Qu’on ne s’y trompe pas. Le rôle tenu par la CJCE est exemplaire dans beaucoup de situations…Comme les décisions du « Parlement de 1788 » du reste, qui comptait beaucoup d’illustres juristes, aptes à juger les divergences entre le Souverain, les villes, les corporations, ou les privilégiés. Ce qui à l’époque n’était pas une sinécure, car les « coutumes », les « usages », ou les édits royaux, sans compter les situations particulières de chaque partie du territoire du Royaume de France – pays d’État, pays d’élection, etc. – demandaient en plus d’une grande compétence juridique, le sens de la diplomatie.

    Ce qui pose problème, ce ne sont pas tant les arrêts de la CJCE, que l’interprétation, parfois, sinon régulièrement, abusive, au regard de ce que les traités lui donne comme rôle. La CJCE ne sera jamais la Cour Fédérale des États Unis d’Europe. On peut le regretter ou s’en réjouir. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas normal que la CJCE s’octroie un pouvoir souverain que la France ne lui reconnaît pas, via le droit primaire. Il n’appartient pas à la CJCE de s’auto proclamer cour souveraine.

    C’est, en gros, ce que dit l’article 88,1 de la Constitution, sur lequel s’appuie, d’ailleurs, la CJCE pour valider son concept de primauté totale du droit communautaire sur le droit national, y compris constitutionnel, sauf que la CJCE se limite à la première partie de la phrase, et omet opportunément la seconde partie : « Elle peut participer à l’Union européenne DANS LES CONDITIONS PREVUES PAR LE TRAITE X. »

    N’est il pas condamnable, en dépit du respect qu’on peut avoir à l’égard de la CJCE, que celle ci « exerce une autorité qui n’émane pas expressément de la souveraineté nationale » ? Ni même de la souveraineté européenne…Chose d’autant plus impossible qu’il n’y a pas, juridiquement, de Peuple Européen, pour valider une telle mention.

    Si les décisions de la CJCE relèvent des pouvoirs que lui confèrent les traités, n’est il pas normal qu’elle s’y plie ?

    Je sais…C’est très long. Mais vos réponses me seraient très précieuses.

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