Examen du projet de loi sur la récidive
Poursuite de l’examen, ce jeudi, du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.
Historique :
A la demande du Président de la République, et en réaction à l’assassinat de Marie-Christine HODEAU, le gouvernement a soumis au parlement un texte qui avait été déposé en novembre 2008 par Rachida DATI.
A l’origine, le texte visait à compléter la loi sur la rétention de sûreté de février 2008, en prenant notamment en compte la décision du Conseil constitutionnel sur le texte et pour la rendre plus conforme à la jurisprudence européenne. Il suivait également certaines recommandations du rapport du Premier Président LAMANDA sur la réduction du risque de récidive, que le Président de la République lui avait commandé suite à la censure partielle du texte (rappelant notamment la non-rétroactivité de la loi).
C’était alors un texte de précision comprenant diverses mesures, détaillées plus loin, concernant les dispositifs de rétention et de surveillance de sûreté. Il s’agissait d’assurer un meilleur suivi médico-social des personnes soumises à des mesures de sûreté durant leur détention, et à faire du placement en rétention de sûreté l’ultime recours.
A l’initiative du rapporteur, soutenu par le gouvernement, le texte a été considérablement enrichi. Le dispositif d’incitation au traitement anti-libido a été renforcé, et les seuils de déclenchement pour les mesures de sûreté ont été abaissés. En outre, le texte vient consolider la protection des victimes et le suivi judiciaire des criminels les plus dangereux.
Les principales dispositions du texte d’origine :
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Une peine de rétention de sûreté peut être prononcée uniquement s’il a été vérifié que la personne condamnée a pu bénéficier, durant sa peine, d’une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée.
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La rétention de sûreté est l’ultime recours, lorsque toutes les mesures (surveillance de sûreté, surveillance électronique…) n’ont pas été estimées suffisantes.
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Les rétention et surveillance de sûreté sont suspendues en cas de détention durant leur exécution.
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Si un condamné placé sous surveillance judiciaire n’a pas respecté les obligations auxquelles il était tenu, il peut, dès l’issue de la réclusion, être placé sous surveillance de sûreté.
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La déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental peut être inscrite au casier judiciaire uniquement si la personne a fait l’objet d’une ou plusieurs mesures de sûreté.
Le texte a pris bien plus de substance par voie d’amendement. Voici les mesures les plus fortes votées par la Commission des Lois :
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Concernant la castration chimique : le Rapporteur a fait le choix de ne pas opter pour l’obligation de traitement. Le consentement de l’individu reste nécessaire pour des mesures « touchant à son intégrité physique ». Néanmoins, le texte renforce l’incitation au traitement anti-libido, car un refus de la part d’une personne sous surveillance judiciaire ou de sûreté, entraîne sa réincarcération ou son placement en rétention de sûreté.
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La rétention de sûreté peut désormais s’appliquer aux crimes de meurtre, torture ou acte de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration commis en état de récidive légale sur des majeurs.
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La durée de la surveillance de sureté a été portée de un à deux ans.
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Le consentement est nécessaire pour le placement sous surveillance électronique. Un refus ou un manquement aux obligations peut entraîner un placement en rétention de sûreté.
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A l’issue de la surveillance judicaire, le placement sous surveillance de sûreté peut être prononcé pour des personnes ayant une peine de dix ans (et non plus quinze).
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Un nouveau répertoire de données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires est créé. Il facilitera le suivi judiciaire des personnes dangereuses (amendement du gouvernement inspiré par le Rapporteur)
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Le seuil de peine pour un placement sous surveillance judiciaire est abaissé de dix à sept ans.
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Le texte renforce l’interdiction de paraître dans un lieu où réside ou travaille sa victime, ou de la rencontrer, sauf décision spécialement motivée.
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Les criminels dangereux doivent justifier de leur adresse pour qu’elle soit enregistrée au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) tous les six mois au lieu d’un an (trois mois au lieu de six pour les plus dangereux).
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Par ailleurs, le Rapporteur a souhaité qu’il soit inscrit dans la loi que les dispositions concernant la surveillance judiciaire et la surveillance de sûreté soient immédiatement applicables dès son entrée en vigueur.
Commentaires
Ce qui serait bien, c'est que le Législateur fasse preuve du même sérieux, à l'égard du problème de sécurité, dans notre beau pays, qu'il a su le faire avec la loi leonetti de 2005, qui est très bien, et qui n'a qu'un besoin : être plus connue.
Comme vous le faites remarquer, une fois de plus, le Législateur est appelé à légiférer sur le thème de la récidive ! Après un eunième fait divers. Autant dire que la précipitation, la démagogie, que suscite déjà ce projet de loi, et ce n'est pas terminé, vont conduire à un échec, car on aura, une fois de plus, voté une usine à gaz !
Pour moi, cette "loi sur la récidive" - qui fait suite à des dizaines de lois inutiles - est d'ailleurs un désaveu pour le Gouvernement, le Président, et la "majorité".
Nicolas Sarkozy avait promis en 2007 de "régler le problème de la récidive" avant l'automne. En 2009, il faut une nouvelle loi ? Est ce à dire que les "solutions" miracle énoncées par un ex Ministre de l'Intérieur, devenu entre temps, Président de la République, s'avèrent être des échecs ?
Je désespère de voir les parlementaires agir pour le bien de la Société, en matière de sécurité. A quand un travail sérieux, véritable...Qui ne repose pas que sur les "on dit" et les pseudos solutions miracle, l'idéologie aveuglante ? A quand un Parlement adulte ? Qui sache faire, au moins, preuve de lucidité, et réfléchir à un problème posé, au lieu de braquer son doigt sur des boucs émissaires faciles ?
1. Le risque zéro n'existe pas
Je ne sais pas si le Législateur a vu le film "Minority Report" ou s'il a lu "le papillon de nuit" de M. WEBER, mais ces deux oeuvres montrent bien que la quête du risque zéro est une chimère.
2. Une nouvelle loi pour rien ?
Pourquoi, s'il faut absolument légiférer - sérieusement - ne pas reprendre à partir de la loi de 1998, puisque les lois entre ces deux dates ont manifestement prouvé leurs échecs ?
La loi de 1998 - qui a ce que je me souvienne, est l'une des seules lois sécuritaires à ne pas avoir été mise sur la table après un fait divers - instaure une certaine articulation entre le soin et la peine, entre le personnel médical ou soignant et les juges.
Manifestement, c'est à partir de cette loi, de 98, qu'il conviendrait éventuellement de travailler pour en compléter et en adapter le dispositif.
Mais il faut bien donner une "loi" à MAM pour qu'elle reste dans le JO !
3. Et si on améliorait le système de 98, au lieu de foncer droit sur le "tout répressif" inutile et inefficace ?
a) Pourquoi avoir créé un juge délégué aux victimes, qui ne sert strictement à rien, qui n'existe d'ailleurs souvent même pas dans les tribunaux ?
Ne pourrait on pas, plutôt (miracle ?) soigner la prise en charge des victimes ? Bien insuffisante...De toute évidence ! Beaucoup d'associations d'aide aux victimes ont tout juste les moyens de vivre et ont du mal à recruter le personnel, notamment soignant, nécessaire à cette prise en charge. Ne devrait on pas tenter de les aider plutôt que d'accroitre le travail des juges, pour des résultats médiocres ?
b) La loi de 98 instaure un bon dispositif : le suivi socio-judiciaire. Lequel a un temps différent selon la catégorie d'infraction : jusqu'à 20 ans pour les délits ; 30 ans pour les crimes.
Concrètement, un médecin coordonnateur est chargé de faire le lien entre le juge de l'application des peines et le thérapeute qui a en charge la personne condamnée.
Ce dispositif permet ainsi d'assurer le respect du secret médical et l'efficacité ainsi que la réalité des soins.
En effet, si le traitement (qui peut être un traitement hormonal...Comme la castration chimique) n'est pas respecté, le médecin coordonnateur en est averti par le thérapeute, et le juge de l'application des peines peut alors révoquer le suivi socio-judiciaire.
La personne suivie est alors condamnée à une peine qui a été fixée à l'avance et qui peut être de plusieurs années de prison.
Alors quel est le problème ? Pourquoi ce système, qui est bon, ne fonctionne t il pas ? Voilà la vraie question que le Législateur devrait se poser, au lieu de croire que plus on augmentera l'aspect répressif d'un texte, mieux çà ira. Notre pays a déjà la législation la plus répressive d'Europe...Et nous ne sommes pas dans les premiers en matière de réduction de la récidive ! Cherchez l'erreur !
Et si c'était que le Législateur faisait fausse route ? Si le problème n'était pas la loi...Qui est très bien (bravo au Législateur de 98) mais bel et bien...La mise en oeuvre de ladite loi ?
Nicolas Sarkozy dit souvent "je veux". C'est bien...Mais cela ne suffit pas. Ceux qui après les "je veux" présidentiels se sont posés sur la question de la fin de la pub (officiellement...Officieusement, il y en a toujours) à la télé...Après 20h, le "grand emprunt", et maintenant la taxe pro...Savent eux, qu'il ne suffit pas de "vouloir" pour "pouvoir". C'est un grand pas...Mais insuffisant.
Que le Législateur, qui a fait les frais des "je veux" présidentiels, agisse, de son coté, en matière de sécurité notamment, avec la même nonchalance, légereté, est assez angoissant, effrayant.
Car ce projet de loi n'a que pour but de montrer que le Législateur - et le Gouvernement - "VEUT". Mais se donne t il les moyens de "POUVOIR" ?
En son temps, Louis IX de France ne s'est pas contenté de dire "je veux" que mes baillis, et autres personnels de l'Etat, arrêtent de rançonner mes sujets, en les écrasants d'impôt, et en oubliant mes édits. Il a procédé à ce qu'on a appelé "les grandes enquêtes" et...Tenant compte du résultat desdites enquêtes, Louis IX a pu procéder à deux grandes ordonnances qui ont eu une assez grande efficacité.
En son temps, Napoléon Bonaparte ne s'est pas contenté de dire "je veux". Il a fait collecter les "us et coutumes" de France...Qui ont donné lieu, après un travail faramineux, à ce qu'on a appelé le Code Civil, le Code Pénal, etc.
En son temps, Charles De Gaulle n'a pas seulement dit "je veux". Il a fait en sorte que le système de sécurité sociale soit bien redistributif, pour que tous les Français soient protégés ! Et si ce système aujourd'hui demande des améliorations, il n'en reste pas moins juste, et sérieux.
A son "VOULOIR"...Quand le Législateur ajoutera t il le mot "POUVOIR" ? Après tout, le Parlement est censé être le POUVOIR législatif, non le VOULOIR législatif.
c) Le fonctionnement "normal" de la Justice
Comme l'explique Maitre Eolas, voici le fonctionnement "normal" de l'institution judiciaire, en matière de délinquance sexuelle. (Tiré de l'épisode EVRARD)
"Au cours des sept années qui ont précédé la libération de Francis Évrard, il a pu avoir trois rendez-vous par an avec un psychiatre. Un tous les quatre mois. Je vous laisse deviner quels résultats on peut espérer avec ce genre de prise en charge, si on peut appeler ça ainsi.
La CIP (Conseillère d’insertion et de Probation) qui suivait son dossier en prison a été incapable de lui trouver un logement pour sa sortie de fin de peine, après 20 années de détention (il a pour le moment passé 37 des 63 ans de sa vie en prison). Quelques structures existent, mais le genre de profil de Francis Évrard est refusé. Donc à sa sortie de prison, il est à la rue avec une liste d’hôtels, le 115 à appeler en cas d’urgence, et 4000 euros de pécule, 20 années d’économies. C’était en juin 2007, 2 mois avant son passage à l’acte. Voilà comment il a été libéré.
À sa libération, Francis Évrard est allé à Caen, puis à Rouen. Son dossier doit le suivre : il est libre de ses mouvements, mais doit les signaler au juge d’application des peines car il fait l’objet d’une “surveillance judiciaire”, création de la loi Clément, dite “Récidive I”, du 12 décembre 2005. Problème : le système informatique ne prévoit pas ce dispositif, le logiciel n’a pas été mis à jour de la loi. Cette loi si indispensable est d’ailleurs tellement appliquée que jamais le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de Rouen n’en avait eu un auparavant. Quant au dossier papier, il n’est jamais parvenu au service pénitentiaire d’insertion et de probation car il a été envoyé au juge d’application des peines. Résultat : le 10 juillet 2007, le SPIP de Rouen reçoit Francis Évrard… en ignorant tout de son dossier et notamment de l’obligation de suivre un traitement anti-hormonal auquel il est censé être astreint. La question de ses obligations ne sera pas abordée lors de cet entretien.
J’ajoute que ce genre de problème, je le constate quotidiennement. Dans mes dossiers devant le Juge d’application des peines, c’est toujours moi qui fournis au juge la copie du jugement de condamnation, et les pièces pénales du dossier qui peuvent éclairer le juge sur la personnalité du condamné et l’aider à prendre sa décision. Comment fait-on pour les condamnés qui, c’est la majorité, n’ont pas d’avocat au stade de l’exécution de la peine ?
Le dossier papier arrivera finalement quelques jours plus tard sur le bureau du juge d’application des peines (JAP), qui ignorait que le SPIP avait déjà convoqué l’intéressé (le JAP siège au palais de justice, car il a souvent d’autres fonctions judiciaires à exercer, le SPIP a ses propres locaux, car il relève de la Pénitentiaire). Mais il arrivera le jour de son départ en vacances.
La période des services allégés fera que le collègue JAP de permanence, qui n’avait aucun moyen d’être alerté de ce dossier spécial, n’y touchera pas : il a déjà assez à faire avec les délais à respecter, les audiences à tenir, et les collègues à remplacer pour aller vérifier par curiosité le courrier non signalé de sa collègue. Le juge de l’application des peines ne découvrira ce dossier qu’à son retour de congés, mi-août… au moment où Francis Évrard récidive.
Voilà. Pas de juge fainéant, pas de fonctionnaire inattentif ou démissionnaire : Francis Évrard a été traité comme n’importe quel autre justiciable, et même plutôt mieux : il a été reçu par le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation de Rouen dans des délais très brefs, mais par un service matériellement incapable de faire quoi que ce soit. Et les personnes en charge de ce dossier, qui sont allées témoigner devant la cour d’assises, devront vivre avec la culpabilité d’avoir failli sans avoir pu faire quoi que ce soit."
Bref...Le Législateur, s'il veut que la France ait une bonne Justice, doit donner les moyens à celle ci de faire respecter la loi !
Se cacher derrière des boucs émissaires faciles est plus qu'indigne. M. Hortefeux peut bien mettre en cause les juges d’application des peines qui selon lui auraient mis le meurtrier présumé de Marie-Christine Hodeau en libération conditionnelle.
Une simple vérification...Et on constate que le meurtrier présumé de cette femme n’a pas récidivé pendant sa libération conditionnelle ! Les juges ne sauraient donc être mis en cause. Le Ministre par contre...
La libération conditionnelle est en outre une des meilleures mesures contre la récidive. Tous les juges s’accordent à dire que ceux qui en bénéficient sont ceux qui récidivent le moins. Et les stats européennes (cf commission) leur donnent raison.
Cette mesure implique un projet professionnel, un logement, un suivi et un encadrement spécifiques par un conseiller d’insertion et de probation. Vouloir la supprimer, c’est vouloir faire exploser la récidive.
Le taux de récidive sur les crimes sexuels est l'un des plus bas: 1,6%. Soit 98,4% de personnes qui ne récidivent pas. L’article 729 du code de la procédure pénale édicte que la libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive. C’est l’outil le plus efficace pour lutter contre la récidive.
S'il y a problème, c'est dans le manque de moyens et l’absence de soins des condamnés, notamment pendant leur incarcération. Des moyens supplémentaires doivent être mis en place pour assurer une meilleure prise en charge des détenus en milieu carcéral.
Souvent, en prison, ceux qui en ont besoin obtiennent un rendez-vous avec un psychiatre au bout de 6 mois, et un autre encore 6 mois plus tard. Ce n’est pas ce qu’on appelle un suivi. A l’extérieur, rien n’est fait, il n’y a quasiment pas de suivi. Il faut débloquer les crédits nécessaires au bon fonctionnement de la justice.
Au niveau européen - source commission européenne : je vous laisse vérifier - en matière de budget de justice, la France est 35ème, au même niveau que la Roumanie et la Bulgarie !
Les juges manquent cruellement de moyens. Entre la charge de travail qui augmente sans cesse, la complexification des lois et les mises à jour, la pression du résultat et les comparutions immédiates qui explosent, ils font de leur mieux.
Peut être, d'appeler aux piquages de tête, le Parlement pourrait il se donner la peine d'augmenter - significativement - le budget de la Justice ? Au moins le budget qu'y consacre l'Allemagne (sommes nous, oui, ou non, un "grand pays"?)
Faut il demander à l'UE une aide à la mise en place "d'instruments d'identification des droits de l'Homme" ?
Enfin, le système de "castration chimique"...Là encore, on instaure un système en se fondant sur des "on dit". Depuis que le Président raconte des bobards à la chaine (sur le Mur le 9...Ha bon ? Alors pourquoi on le voit en photo (cf le Figaro) à Colombey ? Un bouclier fiscal inscrit dans la Constitution allemande ? Faux ! (Cf Cour de Karsruhe !) Le travail dominical en Belgique ? Faux ! (Cf Europe sociale au jour le jour, blog journaliste de Ouest France)) je me méfis.
Et effectivement, quand on fait une recherche sérieuse, on s'aperçoit que la France est le seul pays - exception culturelle peut être ? - où l'on a un système de "retention de sureté" aussi dur (avec des résultats...Wahou !)...
Le plus grave, encore, c'est qu'on a de plus en plus une Justice - via les lois - vengeresse et non pas "juste".
On reproche souvent aux délinquants sexuels, à juste titre, notamment d’avoir considéré leurs proies comme de simples objets, de leur avoir dénié leur personnalité humaine…
Et on, comprendre de misérables opportunistes légaux ? Se propose très exactement de faire la même chose avec eux ! Est ce vraiment digne de la France ?