Le Gouvernement propose d’inscrire dans la Constitution trois séries de dispositions visant à réformer la gouvernance de nos finances publiques, suite notamment aux travaux du groupe de travail présidé par Michel CAMDESSUS, mais également à l’image de ce qui existe dans d’autres pays, comme en Allemagne.
Création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques :
Il s’agit tout d’abord de créer un instrument juridique nouveau, les « lois-cadres d’équilibre des finances publiques », qui auront pour objectif d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Ces dispositions permettront de voter une date de retour à l’équilibre des finances publiques et d’établir en cohérence l’effort à réaliser sur une période fixe d’au moins trois ans.
Ces lois-cadres d’équilibre s’imposeront aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, et permettront au Conseil constitutionnel de sanctionner une loi de finances qui ne respecterait pas la trajectoire définie.
Monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale :
Il s’agit ensuite d’assurer juridiquement le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour régir le domaine de la fiscalité et celui des recettes de la sécurité sociale.
Transmission au Parlement des projets de programme de stabilité :
Enfin, il est proposé d’inscrire dans la Constitution le principe d’une transmission systématique au Parlement des programmes de stabilité, avant qu’ils soient adressés à la Commission européenne dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance.
Le projet de loi constitutionnelle comprend 13 articles.
Pour être adopté, ce texte devra être voté à la majorité simple dans les mêmes termes, par chaque assemblée, puis approuvé à la majorité des trois-cinquièmes du Parlement réuni en Congrès. Le Président de la République peut également choisir la voie référendaire.
Mon intervention à 23 h 30, lors de la Discussion Générale :
Le texte de mon intervention :
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la commission des Lois,
Monsieur le rapporteur,
Mes cher(e)s collègues,
Bien qu'étant très favorable à l'objectif d'équilibre des finances publiques, je dois bien avouer ici mon faible enthousiasme pour ce projet de loi constitutionnel. Je n'en vois en effet guère l'utilité et même plutôt quelques inconvénients.
Pourquoi donc inscrire dans la Constitution des règles que l'on pourrait très bien s'appliquer avec un peu d'autodiscipline.
Depuis que je siège ici, je suis effaré de la manière dont nous légiférons, avec des amendements qui arrivent d'on ne sait où, à la dernière minute, et qui sont adoptés les yeux fermés ... quand ils sont déposés par le gouvernement ou le rapporteur.
Nous sommes, sur beaucoup de sujets, incapables de la moindre constance, avec des modifications incessantes des règles, notamment fiscales.
Nous mettre, comme nous le faisons ici, au pied du mur est quelque part un constat de notre impuissance à modifier notre manière de travailler et d'écrire la loi. C'est sans doute aussi malheureusement le signe d'une incapacité à assumer des décisions difficiles.
Pourquoi se réfugier derrière des obligations constitutionnelles, sinon pour pouvoir se couvrir et dire à tous les mécontents que nous n'avions pas le choix, que nous y étions obligés par les règles constitutionnelles.
Mes chers collègues, il faudrait nous interroger avant tout sur notre faiblesse et notre difficulté à prendre des décisions difficiles et à nous y tenir, car ce texte constitutionnel n'apporte que des solutions en trompe-l'oeil.
En effet, l'essentiel du dispositif se trouvera dans la loi organique, et on le sait tous, une loi organique se change facilement. On peut ainsi renier au bout de quelques années des engagements que l'on avait pourtant affirmés comme écrits dans le marbre de la loi organique.
Le dernier exemple en date est celui de la prolongation de la durée de la CADES. J'ai bien peur que les engagements d'équilibres pris en début de mandat ne soient amendés au bout de deux ou trois ans.
Trois aspects de ce texte m'inquiètent.
Nous continuons à casser nos instruments de politique économique.
Nous avons déjà entièrement abandonné le levier monétaire, et voilà maintenant que nous bridons le levier budgétaire.
Comment allons nous faire pour mener à bien une politique économique digne de ce nom ?
Je trouve que nous retouchons la Constitution avec parfois un peu de légèreté.
Ce n'est pas un texte anodin, et surtout, ce n'est pas seulement un texte technique.
Par ce projet de loi, nous ne nous contentons pas de mettre en place un mécanisme, nous inscrivons aussi dans la Constitution l'objectif d'équilibre des finances publiques.
Avons nous anticipé ce que le Conseil constitutionnel en fera ? Ses décisions sont parfois surprenantes et peuvent faire parler les textes bien au delà de ce que le constituant a voulu dire !
L'équilibre envisagé est global. Il comprend les finances publiques de l'Etat et de la sécurité sociale, mais également celles des collectivités locales.
Comment concilier cela avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ?
Enfin, et cela a déjà fait l'objet de débats abondants, on risque de bouleverser les équilibres au sein du Parlement, en limitant encore plus les capacités d'initiative des parlementaires sur les questions fiscales, avec un poids important donné à la commission des finances.
Autant je suis d'accord pour rationnaliser ce qui se fait actuellement, autant les solutions proposées dans ce texte m'apparaissent trop radicales.
Des solutions plus consensuelles doivent être trouvées, car le texte initial n'est pas acceptable en l'état.
Je conçois bien qu'il est nécessaire d'envoyer des signaux forts de notre volonté politique de régler la question des déficits et de la dette.
Ces signaux seraient encore mieux reçus si, en plus de promettre de faire, nous nous y mettions concrètement dès l'examen du prochain budget.
Je vous remercie.