Examen cet après-midi, en commission des Affaires sociales, du projet de loi sur la démocratie sociale.
Bien que ne faisant pas parti de cette commission, je suis intervenu pour exprimer mon opposition à l'article 6 de ce projet de loi, qui vise à introduire la présence de représentants syndicaux extérieurs à l'entreprise, dans les TPE de moins de 11 salariés.
Que propose ce texte ?
La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a profondément modifié les règles de détermination de la représentativité des organisations syndicales.
Le législateur a refondé la représentativité syndicale sur des critères rénovés, parmi lesquels figure leur audience électorale auprès des salariés. De la même façon, les règles de validité des accords collectifs reposent, désormais, sur l’audience des signataires. Cette dernière est mesurée périodiquement à partir des résultats des élections professionnelles dans les entreprises.
Sont cependant exclues de ce dispositif les entreprises de moins de onze salariés, pour lesquelles des élections professionnelles ne sont pas obligatoires. Or, certaines branches comptent de nombreuses TPE dont les salariés représentent environ 20% des salariés du secteur privé, soit 4 millions de personnes.
Pour palier à cette absence de mesure d’audience, la loi du 20 août 2008 prévoyait qu’une négociation interprofessionnelle devait avoir lieu afin d’y remédier et que la mesure de cette audience devait avoir été réalisée avant le 21 aout 2013. Mais celle-ci n’a pas eu lieu.
Or, si la loi du 20 aout 2008 n’est pas complétée par une mesure d’audience auprès des salariés des TPE, c’est toutes ces nouvelles règles ainsi que les accords conclus par les organisations syndicales qui pourraient se trouver rapidement fragilisés par le juge car ils seraient contraires aux principes constitutionnels de participation et d’égalité.
Le présent projet de loi vise donc à ce que les choix des salariés des entreprises de moins de onze salariés soient pris en compte dans la détermination de l’audience des organisations syndicales au niveau des branches comme au plan interprofessionnel.
A cette fin, il est proposé d’organiser un scrutin régional tous les quatre ans en retenant des modalités électorales ne créant aucune charge supplémentaire pour les entreprises. Ainsi la consultation des salariés se fera uniquement par internet et par correspondance. Inscrits dans le collège cadres ou non cadres, les électeurs voteraient pour une étiquette syndicale et non pour des personnes.
Pour les branches de la production agricole, la mesure de l’audience reposera, comme c’est déjà le cas, sur les résultats des élections aux chambres d’agriculture.
Par ailleurs, quatre organisations syndicales (CFDT, CGT, CFTC et CFE-CGC) et une organisation patronale (UPA) ont demandé au Gouvernement, en janvier 2010, de prévoir par la loi la mise en place de commissions réunissant les partenaires sociaux au plan local pour veiller au suivi de l’application des accords négociés. Le présent projet de loi prévoit donc cette faculté.
Néanmoins, la création de ces commissions fait l’objet d’une forte opposition de la part des chefs d’entreprise et des deux organisations patronales (MEDEF et CGPME) au motif qu’elles sont inutiles compte tenu que le dialogue se fait directement et sans intermédiaire entre les salariés et les chefs des très petites entreprises. En outre, les chefs d’entreprise craignent à terme une extension des prérogatives de ces nouvelles commissions paritaires territoriales (article 6).
Enfin, le présent projet proroge de deux ans au plus le mandat actuel des conseillers prud’homaux. Cette mesure a été décidée afin d’éviter que les élections prud’homales n’interviennent en même temps que la mise en œuvre de la réforme de la représentativité syndicale et, d’autre part, de prendre le temps d’analyser les propositions d’un rapport en cours sur les modalités de ces élections.
Problème de la création de commissions paritaires territoriales :
L’article 6 ouvre la possibilité aux partenaires sociaux de mettre en place, dans un cadre régional (ou, le cas échéant, national ou local), des commissions paritaires pour les très petites entreprises, chargées d’assurer un suivi de l’application des conventions et accords collectifs de travail et d’apporter une aide en matière de dialogue social.
- La commission a tenu à clarifier le rôle de ces commissions paritaires qui ne seront investies d’aucune mission de contrôle et que leurs membres ne pourront pénétrer dans les locaux d’une entreprise sans l’accord du chef d’entreprise.
- Sous son impulsion, le terme commissions « locales » a été remplacé par le terme commissions paritaires « territoriales ».
Après un long débat en commission, l'article 6 a été supprimé par une large majorité de députés.
Le texte de mon intervention en commission sur ce projet de loi :
"Permettez-moi, Monsieur le Président, de répondre par 7 remarques aux différents intervenants :
« 4 millions de salariés ne sont pas représentés dans les TPE ».
Je comprend le problème de constitutionnalité que pose au Gouvernement la non représentativité de 4 millions de salariés. Mais c’est un peu court comme argument.
Je tiens à rappeler que dans une très petite entreprise de moins de 11 salariés, le chef d’entreprise et ses salariés se voient tous les jours, ils se parlent quotidiennement et cette proximité rend le dialogue social naturel et direct. Les salariés sont tout sauf des numéros.
Un intermédiaire n’est pas nécessaire pour qu’un salarié puisse dire ce qu’il a dire a son employeur.
Dans ces TPE, le chef d’entreprise a tout interêt a ne pas se fâcher avec ses salariés : cela se traduirai immédiatement par un climat social dégradé, une perte immédiate de productivité et un risque élevé de prud’hom où dans 90% des cas le chef d’entreprise perd, non pas sur la fond, mais sur la forme, car il est généralement peu procédurier.
Je vous laisse imaginer ce qu'un tel conflit peut donner en période de crise : c'est la mort de l'entreprise.
La représentation collective de ces salariés existe déjà à travers les syndicats salariés des branches professionnelles, les unions syndicales régionales, départementales, locales.
« Certains députés sont contre la représentativité des syndicats de salariés dans les TPE ».
Le projet de loi du gouvernement comprend deux volets :
- La mesure de l’audience syndicale dans les TPE, à travers des élections sur sigles syndicaux.
- La création de commissions paritaires au plan national, régional, départemental ou local.
Je fais parti des députés qui sont tout à fait favorable à ce que l’audience des syndicats puisse être mesurée dans les TPE sur les sigles des organisations syndicales. Il s’agit en effet, avec ce premier volet, de mettre en œuvre les dispositions de l’article 2 de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
En revanche, je suis défavorable à la possibilité de créer, par accord collectif de branche, interbranche ou interprofessionnel, une représentation collective du personnel dans les entreprises de moins de 11 salariés pour les raisons évoquées précédemment.
« Le gouvernement est obligé de légiférer sur cette question, conformément à la loi du 20 août 2008 sur la rénovation du dialogue social ».
L’application des dispositions de la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale ne nécessite aucunement l’instauration d’une représentation collective du personnel dans les entreprises de moins de 11 salariés.
Pour appliquer ces règles de représentativité, seul est nécessaire le premier volet du projet de loi gouvernemental sur la mesure de l’audience syndicale, volet qui est pour moi acceptable.
« Les salariés des TPE sont majoritairement favorables à l’institutionnalisation du dialogue social dans les TPE ».
Selon une étude réalisée par Opinion Way pour FIDUCIAL en mai 2010, 79% des employeurs sont défavorables à une telle représentation collective du personnel. Même rejet auprès des salariés qui en octobre-novembre 2009 étaient 64% à y être hostiles.
La même étude indique d’ailleurs que 82% des salariés des TPE trouvent bonne ou très bonne la qualité du dialogue social avec leur employeur.
L’UPA, elle-même, pourtant à l’origine de ce texte reconnaît dans sa lettre de conjoncture trimestrielle de mars 2010 que « 72% des artisans sont défavorables à la création d’une commission paritaire territoriale, lieu de dialogue et d’échange et non de négociation ».
Si les employeurs et les salariés y sont défavorables, à qui veut-on faire plaisir avec ce texte ?
« Les commissions paritaires seront facultatives ».
Certes, les dispositions du projet de loi ne prévoient pas une mise en place obligatoire des commissions paritaires mais :
- D’une part, la très grande variété d’accords que permet le texte (accord de branche professionnelle, accord interbranches, accord interprofessionnel territorial…) va mécaniquement favoriser la mise en place de ces commissions paritaires.
- D’autre part, l’existence d’un accord signé pour l’artisanat par l’UPA et par les centrales syndicales de salariés instaurant une contribution de 0,15 % de la masse salariale pour « favoriser le dialogue social » chez les artisans et les TPE va tout naturellement pousser les composantes de l’UPA (bâtiment, alimentation, services) et même peut-être l’UPA directement à mettre en place ce type de commissions sans lesquelles elle ne pourrait justifier ce nouveau prélèvement.
« Les commissions paritaires n’auront aucun pouvoir de contrôle sur les entreprises ».
Il s’agit d’une affirmation purement gratuite. En effet, la formule du texte « assurer un suivi de l’application des conventions et accords collectifs de travail » donne, sans doute possible, aux membres des commissions paritaires des possibilités de contrôle.
A cet égard, le terme « suivi » est très clair. Il signifie, selon « Le Petit Robert » : « action de suivre, de surveiller, pendant une période prolongée, en vue de contrôler ».
« Qu’en est-il par rapport à l’accord signé par la CGPME et le MEDEF en 2008 sur ce sujet ? »
En 2008, il n’y a pas eu d’accord national interprofessionnel mais simplement la signature d’une « Position commune » qui n’avait pas de valeur juridique contraignante et qui n’abordait que de façon marginale la question du « dialogue social » dans les TPE.
Au surplus, dans cette « Position commune » ne figurait aucunement la notion de « commissions paritaires ». Le texte évoquait seulement « les modalités spécifiques aux TPE permettant de renforcer le développement du dialogue social en y associant au mieux les salariés concernés ». De plus, la mesure de l’audience des syndicats dans les TPE, partie du texte à laquelle nous ne nous opposons pas répond à cet objectif."