L'UMP, créée il y a dix ans, est en danger de mort.
… pour moi la question ne se pose même plus : l'UMP est morte dans sa configuration actuelle.
Un blogueur facétieux pastichait hier le Général en brocardant "l'UMP outragée, l'UMP brisée, l'UMP martyrisée" … mais toujours pas libérée de ses démons.
La première des causes est que, contrairement à une idée reçue, les partis démocratiques ne fonctionnent pas de manière démocratique.
Leurs appareils, la centralisation des décisions, la nomination des responsables départementaux ou régionaux, l'habitude prise de se mettre en rang derrière un chef, en font des machines électorales efficaces mais démocratiquement déficientes … j’ai vu ces forces se mettre en œuvre depuis lundi … et c’est la grande leçon que j’en retiens personnellement.
Cruelle ironie du sort, c'est le fondateur et premier président de ce mouvement, Alain Juppé, qui a dressé hier soir l'acte de décès de l’UMP, en quelques mots aussi secs que désabusés : " Les conditions de ma médiation ne sont pas réunies. Ma mission est achevée ".
A vrai dire, sa mission était quasi impossible à partir du moment où l'un des deux protagonistes, Jean-François Copé, en récusait de fait le bien fondé …
L'affrontement Copé-Fillon vient d'atteindre ce week-end un point de non-retour. Du chaos au KO.
Être proclamé vainqueur, voilà ce qui compte et vous l’aurez bien compris, pour Jean-François Copé.
Être président de l'UMP, même d'une UMP réduite à la portion congrue, plutôt que pas président du tout. L'important pour Jean-François Copé est de garder la marque UMP … ça aussi tout le monde l’a bien compris.
De ce divorce le nouveau président de l'UMP portera la plus grande part de responsabilité.
Ce sera pour lui un lourd handicap dans les batailles politiques à venir.
Si Jean-François Copé n'a pas cédé, c'est parce qu'il avait la main depuis une semaine, en l'occurrence le bâton du guide de la droite qu'il rêve d'être. C'est, à ses yeux, dans la perspective de 2017, un atout majeur.
Les propos de Jean-François Copé dans lesquels il assurait hier soir n'être " mû que par le sens des responsabilités " sont d'une indécence rare … grosso modo c’est « j’y suis j’y reste et j’ai 3 ans pour faire rentrer tout le monde dans le rang » … désolé, dans un parti républicain, cela ne marche pas comme cela.
Au nom d'un légalisme forcené, Jean-François Copé n'a rien voulu lâcher.
Qu'y avait-il de si gênant, dans la médiation d'Alain Juppé, pour que Jean-François Copé la torpille en se cramponnant aux statuts ?
Un président autoproclamé, les boulettes de la Cocoe (commission de contrôle), les anomalies constatées, les soupçons de partialité sur la commission des recours … tout cela justifiait un arbitrage extérieur.
Il semble bien qu'Alain Juppé ait été considéré par Jean-François Copé comme une trop crédible solution de transition.
Le député-maire de Meaux préfère une victoire à la Pyrrhus.
Le partage presque absolu des suffrages dans ce scrutin inédit impose une solution de compromis.
Après l'échec de la médiation Juppé, c'est aux militants, aux sympathisants de l'UMP et aux millions de Français qui espèrent en une droite républicaine, digne et réaliste, qu'il faut se consacrer … et redonner la parole, en revotant.
Que peut-il désormais sortir de ce champ de ruines ?
La fin probable des carrières politiques de Copé et Fillon.
La fin aussi de l'UMP, qui a cru pouvoir devenir démocratique en un dimanche sans modifier son fonctionnement bonapartiste, sans choisir entre sa dérive frontiste et ce que l'on appelait jadis la droite républicaine.
Pour éviter le suicide, il n'est qu'une solution raisonnable et équitable : organiser de nouvelles élections, selon des règles transparentes, sous la tutelle d'un collège constitué de personnalités irréprochables.
Devant ce désastre, qui, sans doute, est la manifestation de profondes divergences politiques, seuls les adhérents peuvent sauver le parti.
Leur expression n'ayant pas été nette dans ce vote litigieux, ils devraient exiger de nouvelles élections pour arriver à une expression claire de leur choix et de leur volonté.
L'autorité est basée sur la confiance !
On ne voit pas comment elle pourrait revenir, notamment chez les 50 % de votants qui ont le sentiment, aujourd’hui, d'être écartés et de s'être fait flouer.
Si ce parti ne recourt pas à un nouveau vote, il se videra inéluctablement et disparaîtra.
En attendant, c'est une énorme déception pour ces militants, qui voient là un échec de la démocratie.
Nul ne doute maintenant que le retour à la commission des recours, contrôlée par les copéistes, n'aboutisse à la confirmation des résultats validés le 19 novembre.
Je ne vois pas comment un président … proclamé par la Commission de recours qui lui est parfaitement dévouée, pourrait exercer normalement ses fonctions, et faire preuve de suffisamment d'autorité.
C'est un coup d'état que vient de réussir Jean-François Copé.
On comprend maintenant pourquoi Jean-François Copé avait refusé de quitter ses fonctions de secrétaire général de l'UMP quand il s'est porté candidat à sa présidence.
Sa façon, de s'autoproclamer président avant même que les résultats soient officiellement publiés en disait déjà long sur sa détermination.
Il a appris de Nicolas Sarkozy et d'une certaine façon de Jacques Chirac que le pouvoir ça ne se quémande pas, ça se prend, par tous moyens. Quitte à tout casser. Y compris le parti convoité, sachant qu'en gardant l'enseigne, les locaux, les clefs des locaux, une poignée d'apparatchiks qui doivent tout au chef, on a toute chance de survivre plus longtemps …
Cerise sur la gâteau …Jean-François Copé aura en tout cas réussi à " flinguer " les prochaines primaires présidentielles de l'UMP.
Qui ira faire confiance à un parti organisant une élection ouverte à des millions d'électeurs, s'il n'est même pas capable d'élire son propre président dans des conditions honorables ?
Jean-François Copé a, incontestablement, beaucoup de talent.
Il mène le jeu, considérant que dans l'histoire, les barbares l'ont toujours emporté sur les civilisés.
Il pousse donc son avantage jusqu'au bout, en espérant que ça marche. Il a balayé ainsi d'un revers de la main la tentative de médiation d'Alain Juppé … ne jure que par les statuts et la Commission des recours.
Tout est parfait !
A ceci près que le directeur juridique de l'UMP a été licencié par Jean-François Copé pour avoir, avant les élections, fait des remarques sur la manière dont les choses se passaient, et qu'il a donc été aussi remplacé dans la Commission des recours.
Pour François Fillon, le problème de fond est de savoir quelle est l'ampleur de la fraude électorale.
On s'interroge, dans notre camp, sur une fraude majeure qui n'aurait rien à voir avec du bourrage d'urnes ou l'oubli de trois fédérations d'outre-mer, mais sur une organisation planifiée minutieusement au niveau de la confection des listes d'émargement.
Ce que, sans doute, seule la justice pourra révéler … elle est en marche.
Ce matin, vu d’Annecy, le plateau des Glières est couvert … mais la résistance s’organise.