Reprise de la DG (Discussion Générale) sur le texte Hadopi 2 à partir de 16 h 45.
La DG précède l’examen des articles et des amendements. Elle permet aux députés qui le souhaitent, d’exprimer leur point de vue par rapport au texte en cours d’examen. Je suis intervenu à la tribune de l’hémicycle à 17 heures 23.
Le texte de mon intervention :
Monsieur le Président,
Madame Le Ministre d'Etat,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le rapporteur,
Mes chers collègues,
Le texte que nous examinons cette semaine me pose un certain nombre de problèmes. Bien qu'étant dans la majorité sans aucune ambiguïté, j'estime de mon devoir de parlementaire d'exprimer mon opinion et mes réserves sur un texte venant du gouvernement.
Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques, qui ont déjà fait l'objet d'amples débats lors de l'examen du texte Hadopi 1.
Les problèmes sont toujours là et le texte sera toujours aussi inapplicable techniquement. Mais là n'est plus tellement le sujet.
Ce nouveau texte suscite d'autres réserves, de nature constitutionnelles. J'ai une analyse qui peut ne pas être partagée par tous, mais il faut quand même reconnaitre que les remarques que j'avais formulé, avec d'autres députés, sur le texte hadopi 1 ont été validées par le conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009.
Ce texte présente de gros problèmes, car sa finalité est de maintenir la logique du texte initial, tout en tenant compte de la décision du conseil constitutionnel, ce qui est intenable.
Car la décision du conseil constitutionnel n'est pas seulement juridique, elle est également politique. Le conseil l'a clairement dit : l'Hadopi n'a qu'un rôle préalable à une procédure judiciaire, et en aucun cas, elle ne doit être chargée de prononcer ou de faire exécuter des sanctions. Une première porte a été fermée, que ce texte s'emploie à réouvrir.
Une autre porte a été fermée, et à double tour, celle de la présomption de culpabilité de l'abonné en ce qui concerne la sécurisation de son accès à internet. Et pourtant, l'article 3bis rétablit, de manière implicite, cette présomption de culpabilité, qui est la seule manière de rendre opératoire le délit de non sécurisation de l'accès internet.
Au passage, par une acrobatie juridique risquée, ce texte crée pour une série de contraventions, dont la liste n'est même pas close, une peine complémentaire qui est une atteinte à un droit que le conseil constitutionnel vient de reconnaitre comme constitutif de la liberté d'expression.
Pour moi, le message du conseil constitutionnel est clair : on peut suspendre un accès à internet, mais pas n'importe comment et surtout, pas pour n'importe quoi.
Ce texte n'a donc aucune chance, selon moi, d'être promulgué, car il se heurtera une seconde fois au cap du conseil constitutionnel.
En tant que législateur soucieux de la qualité de la législation, cela me désole !
Ce qui compte maintenant, c'est l'après Hadopi.
Monsieur le Ministre, vous nous avez annoncé une grande concertation sur le financement de la création, et j'en suis heureux. On aurait d'ailleurs du commencer par celà !
Monsieur le Ministre, je suis à votre disposition pour travailler sur le volet numérique de cette concertation. Nous sommes d'accord sur les bases : la propriété intellectuelle doit être respectée et internet n'est pas une zone de non-droit.
Le vrai sujet, c'est comment arriver à mettre en oeuvre tout cela. Les épisodes DADVSI et Hadopi on clairement montré que vouloir faire plier la technologie pour la faire entrer dans les cases du droit est une voie sans issue.
Les bouleversements technologiques apportés par internet nécessitent une adaptation de notre droit, dans beaucoup de domaines, et notamment dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Cela ne concerne pas que la musique et la vidéo, mais aussi les textes ! On sort donc du strict cadre des téléchargements.
Aujourd'hui, deux conceptions de la propriété intellectuelle s'affrontent sur internet.
La première est portée par les ayants droits, qui visent à maximiser leurs gains. C'est cette philosophie qui soutend les textes DADVSI et Hadopi.
Le consommateur doit payer pour tout : acquérir l'oeuvre, mais aussi l'utiliser, et encore, dans des conditions restrictives. On lui demande sans cesse de passer à la caisse, avec sans cesse la menace de poursuites, rendues crédibles par le fait que sur internet, tout se voit, tout est repérable.
C'est un frein à l'innovation et surtout, cela heurte les consommateurs et les utilisateurs, qui ont le sentiment d'être racketés.
L'autre conception est celle qui est portée par certains internautes, et notamment le monde du logiciel libre, qui va dans le sens inverse.
Cette conception s'est construite essentiellement sur la propriété intellectuelle en matière de logiciels. Elle n'est pas forcement parfaitement adaptée pour d'autres contenus.
C'est le point de vue de l'ayant droit contre celui de l'utilisateur. Les deux positions sont légitimes et défendables et c'est à nous, politiques, de trouver un compromis acceptable pour tous.
Voilà le vrai sujet, chers collègues. On mettra peut-être beaucoup de temps pour y arriver, mais on ne pourra faire l'économie de ce débat là.