Mercredi matin, je suis intervenu en commission des affaires économiques, saisie pour avis ... puis l'après midi, devant la commission du développement durable, saisie au fond, sur l'écotaxe taxe poids lourds.
Vidéo de mon intervention en commission :
Le projet de loi « portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports » vise à faciliter le développement ou favoriser le fonctionnement et l'attractivité de l'ensemble des modes de transport ainsi qu'à remédier à certains difficultés, essentiellement d'ordre juridique.
Il modifie le code des transports et procède à la transposition obligatoire de dispositions de droit européen dans le domaine ferroviaire, routier, fluvial, maritime.
Le projet de loi comprend des dispositions relatives à l’écotaxe poids-lourds afin de mettre en place un dispositif se substituant au décret du 4 mai 2012. Le projet de loi prévoit ainsi des modalités de majoration du prix des prestations de transport par application de taux établis en fonction des régions de chargement et de déchargement.
La commission des affaires économiques est saisie pour avis des articles 6 bis à 7 ter qui concernent l’écotaxe poids-lourds.
L’article 6 bis supprime l’expérimentation de la taxe poids-lourds en Alsace.
Lors de l’adoption de l’écotaxe poids-lourds, il était prévu une expérimentation en Alsace dans un délai de trois mois avant la mise en œuvre de la taxe sur l’ensemble du territoire national. Compte tenu du retard pris dans l’entrée en vigueur de la taxe, l’expérimentation alsacienne ne se justifie plus.
Cet article a été adopté par amendement (socialiste et UMP) en séance publique au Sénat, malgré l’avis défavorable du Gouvernement.
L’article 6 ter exclut du champ d’application de la taxe les véhicules affectés à l’entretien et à l’exploitation des routes.
La directive 1999/62/CE relative à la taxe poids lourds permet aux Etats membres d’appliquer des taux réduits ou des exonérations pour les véhicules de la Défense Nationale, de la Protection civile, des services de lutte contre les incendies et autres services d’urgence, des forces de maintien de l’ordre ainsi que pour les véhicules d’entretien des routes.
L’article 7 modifie le dispositif de prise en compte de l'écotaxe poids lourds dans le tarif du transport
1) Contexte :
· La mise en place d'une « écotaxe poids lourds » sur le réseau routier non concédé figure parmi les engagements du Grenelle de l'environnement. L’article 153 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a ainsi institué cette taxe poids lourds nationale (TPLN) dans le code des douanes. Malgré des délais fixés par la loi, la mise en œuvre de cette taxe a pris un retard important.
· Cette taxe vise l'usage, par les poids-lourds, du réseau routier national non concédé et des routes départementales ou communales susceptibles de subir un report de trafic.
· La taxe devrait concerner 800 000 véhicules de plus de 3,5 tonnes, dont 550 000 véhicules appartenant au parc national et 250 000 véhicules étrangers. Le réseau taxé a été défini par le décret n° 2011-910 du 27 juillet 2011. Il comporte environ 10 500 km de réseau national non concédé et 5 000 km de réseau local.
· La collecte de la taxe s'effectuera par le biais d'un équipement électronique embarqué, rendu obligatoire dans les véhicules concernés. Le 20 octobre 2011 un contrat de partenariat public-privé a été signé par l’Etat avec Ecomouv’ pour la mise en œuvre du dispositif. D'après ce contrat, la taxe poids lourds alsacienne (TPLA) devrait être opérationnelle le 20 avril 2013 et la taxe poids lourds nationale (TPLN) le 20 juillet 2013.
· Le produit attendu de cette taxe s'élève à 1,2 milliard d'euros par an : 230 millions d'euros seront versés à Ecomouv', 760 millions à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) et 160 millions aux collectivités territoriales pour l'usage du réseau routier dont elles sont propriétaires.
· Le principe d'une répercussion de la taxe auprès des utilisateurs de transport a été retenu, afin de ne pas peser sur l'équilibre économique du secteur des transports. Les modalités de majoration du prix du transport ont fait l’objet du décret n° 2012-670 du 4 mai 2012. Mais ce décret a été vivement critiqué par les acteurs du dispositif (transporteurs et chargeurs) et a fait l’objet d’un recours devant le Conseil d'État. L’article 7 vise donc à remplacer les dispositions du décret du 4 mai 2012.
2) Ce que prévoit l’article 7 :
Le prix du transport contractuellement défini est majoré de plein droit d'une somme résultant de l’application d’un taux qui est fonction des régions de chargement et de déchargement des marchandises transportées. Pour les transports internationaux, il est tenu compte des régions où se situent les points d’entrée et de sortie du territoire métropolitain. Cette majoration s'effectue quel que soit l'itinéraire emprunté et apparaît sur la facture.
· si le transport est effectué à l'intérieur d'une seule région (ou si le transport est international et que la partie effectuée sur le territoire métropolitain est limitée à une seule région), un taux uniforme déterminé au niveau de chaque région s'applique
· si le transport est effectué entre plusieurs régions (ou sur plusieurs régions dans le cas d'un transport international), un taux unique défini au niveau national s'applique.
L’article 7 prévoit que ces taux, compris entre 0 et 7%, tiennent compte de la consistance du réseau soumis à ces taxes, des trafics et des itinéraires observés, du barème de ces taxes, ainsi que des frais de gestion afférents à ces taxes. Ils sont supportés par les transporteurs et apparaissent aux pieds de la facture afin d’être répercutés sur les bénéficiaires de la circulation de la marchandise.
Selon l’étude d’impact, le taux unique, interrégional, serait de 4,4%. La fixation de taux régionaux résulterait de la nécessité de prendre en compte les disparités observées entre régions au niveau du réseau taxable et des trafics.
3) Observations :
· Il n’y a pas de correspondance entre le montant de la taxe qui sera payée par le transporteur et le montant qui sera répercuté au pied de la facture. En effet, le Gouvernement a fait le choix d’une majoration forfaitaire automatique, en pourcentage, du prix de la prestation de transport qui n’est assise ni sur la distance réellement parcourue, ni même sur l’utilisation du réseau taxé.
Cela dénature le principe même de cette écotaxe, puisque le coût, pour le donneur d’ordres, sera indépendant du trajet effectivement parcouru emprunté par le transporteur. Le signal-prix initialement prévu par le législateur pour inciter le chargeur à se tourner vers le transporteur le plus vertueux est remplacé par un simple signal-coût d’usage du réseau routier.
· L’article 7 crée une différence entre les transporteurs pour le compte d’autrui (qui peuvent répercuter la taxe) et les transporteurs en compte propre (essentiellement les grossistes distributeurs, qui ne peuvent donc pas répercuter la taxe).
Or, le tissu entrepreneurial du secteur des grossistes-distributeurs est composé à 80% de TPE qui sont d’ores-et-déjà fragilisées par la crise. Il faut donc réfléchir à leur permettre de bénéficier de garanties équivalentes à celles offertes aux transporteurs routiers. Des amendements ont été présentés au Sénat afin d’exonérer les transporteurs en compte propre du paiement de la taxe mais ils ont été rejetés.
· Le dispositif mis en place par l’article 7 menace le « made in France ». En effet, le mécanisme de répercussion frappe chacune des opérations de transport émaillant la chaîne de production et de commercialisation de nos produits sur le territoire national et aura comme conséquence une cascade inflationniste cumulative sur les prix finaux. Dans le domaine alimentaire, par exemple, on va majorer successivement le coût de la fourniture de produit à l’agriculteur, celui de l’acheminement des produits agricoles sur le site de stockage ou de transformation, celui de la livraison au vendeur final, etc… Sans compter la complexité des charges administratives d’autant plus lourdes que l’entreprise sera de petite taille.
L’article 7 bis vise à garantir que la majoration du contrat de location ne soit effectuée que dans les cas où le loueur est effectivement redevable de l’écotaxe.
L’article 7 ter prévoit une révision de la liste des itinéraires taxables au regard de l’évolution du trafic sur un réseau non concerné par la taxe. Cette révision sera demandée par les collectivités territoriales.
Dauphiné Libéré du 13 avril